par Mireille Lacave-Allemand
Historienne de l’Art
« On ne se figure pas à quel point le Salon préoccupe les peintres et les sculpteurs ; ils y pensent dix mois d’avance ; c’est la seule entrevue qu’ils aient avec cet être collectif si fin et si stupide, si grossier et si délicat, si inattentif et pourtant si perspicace, qu’on appelle le public. »
Théophile Gautier, Salon de 1845.
Ce chapitre aborde un autre aspect du travail du peintre qui est représentatif de ces artistes du XIXe siècle qui exposaient régulièrement au Salon. Il n’y accroche pas moins de quatre-vingt tableaux en soixante ans, parmi lesquels une majorité de paysages1. Les oeuvres issues de la seule observation du paysage et de la nature se multiplient alors. C’est ainsi qu’il expose ses premiers tableaux Vue intérieure de la ville de Bruges, Cathédrale d’Anvers, Grand Place de Bruxelles.
Guiaud a peint la Riviera, la Bretagne, d’autres régions encore y compris hors de France. Il a peint des paysages champêtres de bords de rivière, des sous-bois, des chemins creux. Il a utilisé plusieurs techniques sur différents supports : dessins sur papier, aquarelles, parfois huiles sur toile.
Peintre de paysage, habile dessinateur, aquarelliste de talent, Guiaud a vendu de nombreuses oeuvres, les gouvernements successifs lui en ont acheté aux Salons et lui ont aussi passé des commandes. Lors de son séjour à Nice, il a bénéficié de l’engouement de la clientèle étrangère pour les paysages sereins que les peintres réalisaient à son intention. Anglais, Russes, Allemands, d’autres encore, emportaient des « souvenirs ». Les débuts de la peinture de paysage s’expliquent en partie par la lassitude des jeunes artistes longtemps contraints de se plier à la dure discipline de l’académie, la figure, encore la figure, toujours reprise sur les mêmes modèles. Certains maîtres ont compris à la période romantique qu’il fallait sortir des ateliers, pour aller voir la « réalité ». Les peintres du Grand Tour et ceux de l’Académie de France à Rome allaient certes se frotter aux grands maîtres, à la prestigieuse école italienne, mais ils réalisaient aussi de nombreux croquis de paysages, de monuments, etc., lesquels ont donné peu à peu leurs lettres de noblesse aux paysages qu’ils peignaient. Dans les ateliers parisiens, des professeurs, tel Léon Cogniet, ont incité leurs élèves à aller sur le motif, à peindre en plein air. Guiaud suit ces conseils. Et comme d’autres peintres de sa génération attirés par l’espace, la campagne, et le voyage, il prend la route… de l’Italie. Il rejoint pour un temps de jeunes collègues embauchés par le baron Taylor pour représenter les villages, les églises de France, en ramener des dessins, puis les lithographier et les publier sous forme d’albums à partir des années 1820, sous le titre : Voyages pittoresques dans les provinces de l’ancienne France. Guiaud croque avec maestria quelques planches d’architecture de la France des provinces, pittoresques et romantiques. Il n’oubliera jamais la leçon apprise aux côtés de ses compagnons de l’équipe du baron Taylor : aller vite, rendre le dessin attrayant et juste. Afin de montrer l’ensemble des qualités développées par Guiaud dans le domaine du paysage, nous aborderons successivement les thématiques suivantes : les représentations qui privilégient l’architecture et le cadre bâti, les scènes de la vie quotidienne, les représentations de la nature, pour nous poser enfin la question de savoir si Guiaud peut être considéré à certains égards comme un « védutiste ». Autant que possible nous replacerons sa production dans le contexte de son temps en interrogeant les travaux de ses amis et compagnons : Julien Michel Gué et Oscar Gué, Jules Dupré, Adrien Dauzats, Camille Bernier, Paul Delaroche et Paul Huet… dont il a croisé la route. Pour conclure, nous tenterons de voir si les variations de thématiques se sont traduites par des changements de style.
1 La définition du paysage est donnée par le musée d’Orsay, Service culturel, F. Sorbier, Fiche de visite L’essor du paysage : « l’emploi du terme paysage ne se justifie pleinement que lorsque le site figuré, non seulement occupe une place prépondérante dans l’espace du tableau, mais surtout constitue le sujet principal de l’oeuvre au lieu de n’en être que le cadre, le contexte, voire seulement le décor ».
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