Perspective, scénographie et paysage
Jacques Guiaud peintre paysagiste

par Mireille Lacave-Allemand
Historienne de l’Art

  • Bois d’oliviers, environs de Nice.

    Bois d’oliviers, environs de Nice.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud.
    H 130 x L 85 cm, signée bas g.
    Bourg-en-Bresse, musée de Brou, n° inv. 869.1.
    Photo © musée de Brou.
  • Berger du comté de Nice.1

    Berger du comté de Nice.

    Crayon sur papier par Jacques Guiaud,
    H 14,7 x L 9,2 cm.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1208-35.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Berger du comté de Nice.2

    Berger du comté de Nice.

    Crayon sur papier par Jacques Guiaud,
    H 14,7 x L 9,2 cm.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1208-36.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Vue de Bordeaux prise de Floirac.

    Vue de Bordeaux prise de Floirac.

    Huile sur toile de Jean-Paul Alaux, 1832.
    H 105 x L 140 cm, signée et datée b. dr.
    Bordeaux, musée des beaux-arts, n° inv. BX E 491.
    Photo © MBA Bordeaux/ Florian David.
  • Aix-les-Bains et le lac du Bourget.

    Aix-les-Bains et le lac du Bourget.

    Huile sur toile de Pierre Justin Ouvrié,
    H 80 x L 100 cm, signée b. dr.
    Narbonne, musée d’art et d’histoire, n° inv. 870.3.1.
    Photo © Musées de Narbonne.
  • Vue de la Piazza della Signoria à Florence.

    Vue de la Piazza della Signoria à Florence.

    Technique mixte, crayon, aquarelle et craie blanche par Jacques Guiaud.
    H 24,3 x L 43,5 cm, localisé b. g.
    Collection particulière.
  • Vue de la Piazza della Signoria à Florence.2

    Vue de la Piazza della Signoria à Florence.

    Aquarelle gouachée de Pierre Justin Ouvrié, 1834.
    H 21 x L 28,5 cm, signée et datée b. g.
    Collection particulière.
    Photo © Tessier-Sarrou, Paris (vente 30.04.2014, lot n°20).
  • Soleil couchant sur un rivage.

    Soleil couchant sur un rivage.

    Huile sur toile de Jules Dupré.
    H 100,5 x L 81,5 cm, signée b. dr.
    L’Isle-Adam, musée Louis-Senlecq n° inv. 2010.0.382.
    Photo © musée Louis-Senlecq.
  • Vue générale d’Avignon et de Villeneuveles- Avignon, prise de l’intérieur du fort Saint-André.

    Vue générale d’Avignon et de Villeneuveles- Avignon, prise de l’intérieur du fort Saint-André.

    Huile sur toile de Paul Huet, 1834.
    Avignon, musée Calvet n° inv. D.2010.1.
    Photo © musée Calvet.
  • L’abreuvoir.

    L’abreuvoir.

    Huile sur toile de Jules Dupré, 1836.
    H 28,3 x L 44,8, signée et datée b. dr.
    Reims, musée des beaux-arts, n° inv. 907.19.101 .
    Photo © MBA Reims/ Christian Devleeschauwer.
  • Le Val d’Enfer au pied du Sancy .

    Le Val d’Enfer au pied du Sancy .

    Huile sur toile de Paul Huet, 1847.
    H 20,7 x L 25,5 cm.
    Reims, musée des beaux-arts, n° inv. 2014.17.1.
    Photo © MBA Reims/ Christian Devleeschauwer.
  • Sous-bois en Bretagne, un chemin creux à Bannalec.

    Sous-bois en Bretagne, un chemin creux à Bannalec.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1873.
    H 170,5 x L 120,5 cm, signée b. g.
    Caen, musée des beaux-arts, no inv. 324.
    Photo © M. Seyve.

    Peindre au naturel

    Guiaud et l’essor des représentations de la nature

    Quand Guiaud commence sa carrière de peintre paysagiste autour des années 1840, le romantisme est encore en vogue, mais l’École de Fontainebleau a fait son apparition et séduit les jeunes artistes. Rappelons qu’il s’agit de peintres qui ne peignent que ce qu’ils voient dans la nature, les arbres, les étangs, le ciel, quelques vaches et peut-être de temps en temps une petite silhouette de paysanne. La peinture devient un sport de plein air. Les Salons se peuplent de paysages, le mouvement ne fera que grandir au fil des années. De 1831 à 1861 ce sont plus de sept cents paysages par décennie qui sont exposés aux Salons, mêlant aquarelles, mine de plomb, huiles29, etc. Sans appartenir à cette école, Guiaud a suivi un chemin assez parallèle.

    Ces peintres ne sont pas des « impressionnistes », mais des artistes qui se penchent sur la représentation réaliste de morceaux de nature et bannissent l’anecdote pittoresque. Leur influence sur Guiaud n’est probablement pas directe, mais le fruit d’une ambiance, d’un entraînement à ouvrir l’oeil sur la nature. Guiaud, naturellement séduit par la démarche, peint quelques sous-bois, dont l’un est aujourd’hui au musée de Rouen30. Dans la même veine, il peint un autre tableau avec un petit personnage sous une épaisse frondaison (collection particulière). Il peint à Nice un Bois d’oliviers, exposé au Salon de 186531, puis un Caroubier près de Monaco (Salon de 1864, acheté par l’État), où l’on distingue une femme sous la voûte de l’arbre, et au loin dans la trouée la silhouette de Monaco. Il expose enfin au Salon de 1869 un autre Bois d’oliviers, environs de Nice. Le tableau Caroubier près de Monaco32 est acheté par l’État. Guiaud semble à cette époque bien inséré dans les circuits professionnels, si l’on en juge par l’acceptation de sa candidature pour travailler à la restauration de la Galerie des Cerfs à Fontainebleau ; or, ce travail est sans cesse différé, si bien qu’il finit par réclamer une allocation qui lui permettrait d’attendre le début des travaux ; on peut considérer que l’achat du Caroubier est la réponse de la Maison de l’Empereur à sa demande de compensation33.

    Disons quelques mots sur les influences croisées et les échanges entre des peintres qui se connaissent et s’apprécient.

    Au Salon de 1833, Guiaud a pu voir une Vue de Bordeaux peinte par J. P. Alaux34, dont le premier plan soigné, avec ses rochers et ses arbres, ouvre la vue vers la Garonne et la ville au loin dont les clochers minuscules se détachent sur l’horizon ; un ciel immense strié de nuages donne du relief à la composition.

    Ses amis Oscar Gué et Justin Ouvrié participent au mouvement des paysagistes. Oscar est un proche avec lequel il travaille aux médaillons de la galerie Napoléon Ier à Versailles, il a été l’élève de Jean Alaux, et a fait le voyage d’Italie, ce qui renforce sa proximité avec Guiaud. Gué expose aux Salons des paysages, des vues d’églises italiennes, au milieu de tableaux d’histoire, ou de tableaux religieux35. Mais c’est de Justin Ouvrié que Guiaud est probablement le plus proche. Cet artiste, très habile dessinateur, porte comme Guiaud une grande attention aux détails des architectures, des frondaisons, des costumes36. Il garnit ses carnets de vue de villes (Loches, Canterbury, etc.), voyage beaucoup pour son propre compte et pour celui de Taylor. Il peint les mêmes vues de villes que Guiaud : Bruges, Florence, Naples, Venise par exemple. Il expose aux Salons de 1833-1834 des vues d’Italie : le Grand canal de Venise, le Palais des Doges, la Place de la Seigneurie à Florence ; ce sont quelquefois des aquarelles dont on a le sentiment qu’elles ont été réalisées en même temps que celles de Guiaud, en particulier pour la Place de la Seigneurie à Florence, comme si les deux artistes s’étaient postés côte à côte. Puis il peint une vue panoramique du Château de Pau en 1844, à l’époque où Guiaud peint l’inauguration de la Statue d’Henri IV. La correspondance des artistes mentionne leur présence à Pau à cette occasion.

    Dans un style différent, Jules Dupré37 a pu avoir une influence sur les goûts de Guiaud qui l’admire. Né en 1811, Dupré appartient à la même génération que Guiaud, mais ne suit pas un chemin de formation classique, car il passe de la peinture sur céramique - dans l’entreprise familiale - à la peinture sur toile. Avant qu’il ne rejoigne l’école de Barbizon dans les années 1840 ; les tableaux de Constable qu’il va voir à Londres l’influencent durablement. Au Salon de 1835, il reçoit les félicitations de Delacroix. Il peint sans relâche des bords de rivière, des mares, des étangs, des sous-bois, des ciels immenses où roulent les nuages, en Île de France comme en Normandie.

    Un autre peintre encore peut avoir imprimé une marque sur Guiaud, il s’agit de Paul Huet. Huet38 fait figure d’aîné auprès du jeune Guiaud, ils se sont croisés dans les soirées données par J. J. Granville à Paris, et ensuite à Nice où Huet est « descendu » au soleil de la Riviera. Huet a une solide formation classique qu’il applique à sa vision romantique du paysage. Sa réputation est enviable ; ami de Delacroix, il sera son compagnon de voyage aux Eaux-Bonnes dans les Pyrénées39. Huet aime les larges panoramas, à l’exemple des deux Vues d’Avignon que conserve le musée Calvet de cette ville. Un étrange tableau, intitulé le Val d’enfer de Sancy, déposé au musée de l’Isle-Adam, village où le peintre a fini ses jours, esquisse un ciel tourmenté de couleur pure, qui a pu inspirer à Guiaud les ciels d’incendie de la palmeraie de Bordighera et plus tard ceux de Bretagne. À Nice, Huet s’adonne volontiers à l’aquarelle, comme de nombreux artistes régionaux par lesquels il est considéré comme un maître. Guiaud, parisien comme lui, fréquente son atelier. Remarquons au passage que l’atelier niçois de Huet a été mis à sa disposition par Joseph Fricero40, autre aquarelliste niçois, afin que le frileux Paul Huet puisse profiter d’un local chauffé dans le quartier de la Croix-de-Marbre.

    Le Sous-bois en Bretagne, Chemin creux de Bannalec, exposé au Salon de 187341, est la dernière représentation de ce type dans l’oeuvre de Guiaud. Trois vaches sont saisies dans la ravine tachetée de lumière, l’arbre sur la gauche se découpe en contre-jour, au fond en arrière-plan une masure reçoit toute la lumière du tableau. D’une Bretagne rurale et tranquille, d’un paysage sans originalité, il fait un tableau sans romantisme mais d’un grand réalisme et d’une touche légère. Il accompagne dans les chemins ombragés où dansent des taches de lumière, son ami Camille Bernier qui l’accueille à la fin du Second Empire et après la guerre de 1870, chez lui en Bretagne. Les deux amis peignent en parallèle dans le Finistère, des paysages très proches de facture, mêmes frondaison, mêmes vaches, même lumière.


    29 Cf. Base de données des Salons, musée d’Orsay ; http://salons.musee-orsay.fr.

    30 Date d’exécution inconnue ; huile, dimensions H.86 x 133 cm, musée des beaux-arts de Rouen. Le tableau est entré au musée avant 1961 d’après sa fiche Joconde.

    31 Titre original Bois d’oliviers près de Monaco.

    32 http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/arcade_ fr ; Archives nationales, F/21/7635. Voir aussi la base ARCHIM qui comporte des photographies des oeuvres exposées dans les Salons : ce tableau y figure pour la série des photographies du Salon de 1864, le premier à faire l’objet d’archives photographiques. Au Salon, le tableau porte le numéro 885 ; il est conservé au musée d’épinal.

    33 Voir notre chapitre consacré à la peinture d’histoire.

    34 Frère de Jean Alaux dit le Romain, avec lequel il sera associé au Château de Versailles à partir de l’année suivante.

    35 Cf. Base de données des Salons au Musée d’Orsay ; http://salons.musee-orsay.fr.

    36 Cf. http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/ joconde_fr.

    37 Jules Dupré (1811-1889) expose pour la première fois au Salon de 1831 comme Jacques Guiaud. Il fréquente la forêt de Fontainebleau et Barbizon avec Théodore Rousseau.

    38 Paul Huet (1803-1869) s’est formé dans l’atelier de Narcisse Guérin et d’Antoine Gros.

    39 Il en ramènera un beau tableau exposé au musée de Pau.

    40 Joseph Fricero (1807-1870), aquarelliste. Cf. Le Pays de Nice et ses peintres, op. cit.

    41 Musée de Caen, INV 324, Sous-bois en Bretagne, chemin creux de Bannalec (Finistère)Salon de 1873, dimension : H.170,5, x 120,5 cm.


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