Perspective, scénographie et paysage
Jacques Guiaud peintre paysagiste

par Mireille Lacave-Allemand
Historienne de l’Art

  • Vue de Villefranche.2

    Vue de Villefranche.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1856.
    H 106 x L 68 cm, signée et datée b. dr.
    Carcassonne musée des beaux-arts, no inv. D 19.
    Photo © musée des beaux-arts de Carcassonne.
  • Calvaire de Guimiau [sic].

    Calvaire de Guimiau [sic].

    Crayon sur papier de Jacques Guiaud.
    H 29 x L 28 cm, titré b. g.
    Collection particulière.
    Photo © musée des beaux-arts de Quimper.
  • Église et calvaire de Guimiliau.

    Église et calvaire de Guimiliau.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1875.
    H 171 x L 121 cm, signée b. g.
    Quimper, musée des beaux-arts, no inv. 13-1-1.
    Photo © musée des beaux-arts de Quimper.
  • Travaux à l’abbatiale de Saint-Denis en 1833.

    Travaux à l’abbatiale de Saint-Denis en 1833.

    Huile sur toile d’Adrien Dauzats.
    H 65 x L 49 cm.
    Musée du Domaine départemental de Sceaux,
    n° inv. 66.10.01.
    Photo © Musée du Domaine départemental de Sceaux / Pascal Lemaître.
  • Nice, l’église Saint-Pierre d’Arène, rue de France, 1849.

    Nice, l’église Saint-Pierre d’Arène, rue de France, 1849.

    Aquarelle de Jacques Guiaud,
    H 22,8 x L 14,5 cm (à vue), signée et datée b. g. Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.
  • Cathédrale de Quimper.

    Cathédrale de Quimper.

    Aquarelle de Jacques Guiaud. H 30 x L 22 cm.
    Collection particulière.
  • La cathédrale d’Orléans.

    La cathédrale d’Orléans.

    Aquarelle sur papier d’Adrien Dauzats.
    Localisation inconnue.
    Photo D.R.
  • Grande rue d’Inspruck [sic] (Tyrol).

    Grande rue d’Inspruck [sic] (Tyrol).

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1835.
    H 163 x L 122 cm, signée b. g.
    Fontainebleau, musée national du château de Fontainebleau, no inv. 5253 ; LP 1622 ; MI 103 P.
    Photo © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot.
  • Vue intérieure de Bruges, 1839.

    Vue intérieure de Bruges, 1839.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud.
    H 101 x L 81,5 cm.
    Collection particulière.
    Photo © galerie Brugart.
  • La cathédrale de Chartres.

    La cathédrale de Chartres.

    Huile sur toile d’Eugène Latteux,
    entre 1836 et 1840.
    Collection particulière.
  • Grand place de Bruxelles.

    Grand place de Bruxelles.

    Huile sur panneau de Jacques Guiaud.
    H 59 cm x L 45 cm, signée b. g.
    Collection particulière.
    Photo © Mercier, Lille, vente 23 mars 2003.
  • Place Saint-Marc.

    Place Saint-Marc.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1834.
    H 65 x L 90 cm, signée et datée b. dr.
    Château de Compiègne, no inv. 5252.
    Photo © RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Thierry Ollivier.
  • Vue de Naples.

    Vue de Naples.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1837.
    H 68 x L 98 cm, signée, titrée et datée b. dr.
    Collection particulière.
    Photo © Millon et associés, Paris, vente 5 décembre 2012.
  • Vue de Baden-Baden,

    Vue de Baden-Baden,

    Huile sur toile de Jacques Guiaud.
    H 48,5 cm x L 68,4 cm.
    Collection particulière.
    Photo © Sotheby’s, vente 17 juillet 2002.
  • Venise, Santa Maria della Salute.

    Venise, Santa Maria della Salute.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 44,4 x L 31,7 cm, signée b. g.
    Collection particulière.
    Photo © Christie’s Images/ The Bridgeman Art Library .
  • Venise, San Michele in Isola.

    Venise, San Michele in Isola.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 27 x L 42 cm, signée b. dr.
    Collection particulière.
  • Colmar.

    Colmar.

    Plume et encre brune sur papier de J. Guiaud.
    H 31 x L 24 cm, localisé b. g.
    Collection particulière.
  • Nice, la porte de Turin. Jacques Guiaud. Aquarelle et craie

    Nice, la porte de Turin.

    Technique mixte, crayon, aquarelle et craie
    blanche sur papier gris par Jacques Guiaud,
    1849.
    H 30,2 x L 23 cm.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-2637.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Pompes funèbres du duc d’Orléans à Notre-Dame, le 30 juillet 1842.

    Pompes funèbres du duc d’Orléans à Notre-Dame, le 30 juillet 1842.

    Huile sur bois de Jacques Guiaud, 1842.
    H 22,9 x L 28,7 cm.
    Paris, musée Carnavalet, no inv. P 1312.
    Photo © Musée Carnavalet / Roger-Viollet.
  • Église et calvaire de Pleyben.

    Église et calvaire de Pleyben.

    Huile sur toile de Jacques Guiaud, 1870.
    H 150 x L 113 cm, signée b. dr.
    JFNAC 14351, FNAC 213.
    Centre national des arts plastiques.
    Photo © Domaine public / Cnap. Crédit photographique : Yves Chenot .

    Perspective et architecture : le cadre bâti privilégié

    Églises et monuments : de la verticalité à une plus ample respiration

    Les églises viennent en premier sur la liste des sujets peints par Guiaud ; elles constituent l’un de ses thèmes préférés, et sans doute l’un de ceux que le marché absorbe le mieux. En effet, Guiaud teste ces sujets un peu répétitifs en exposant au Salon, une étape clé pour vendre les oeuvres. Les églises, Guiaud les aime comme des phares, solides et élancées au-dessus de l’amoncellement des maisons pressées autour de leurs hauts murs. Il dessine ou peint leur clocher dressé comme un signal du « manteau blanc des églises » dont parlait au XIe siècle le moine Raoul Glaber, et que les peintres voyageurs envoyés par le baron Taylor ont mission de ressusciter avec leurs qualités architecturales et le piquant du pittoresque.

    Les techniques de composition se répètent, le clocher est toujours l’élément central, légèrement désaxé. Sa flèche atteint le bord supérieur de la toile. Le paysage urbain s’organise en trois plans successifs, au premier plan les personnages, ensuite les maisons et leur déroulement composant une rue, enfin un arrière plan d’où émergent l’église et son clocher. Au dessus, le ciel vaporeux ou nuageux se teinte de rose ou s’entrouvre pour laisser apparaître un rayon de soleil. Guiaud accentue l’effet de hauteur du clocher en peignant le tableau en légère contreplongée et parfois dans le contre-jour.

    Ainsi se présente le tableau de la Cathédrale d’Anvers montré au Salon de 1836. Guiaud a observé sur le terrain l’organisation de la rue, l’émergence de la flèche du monument, il en a réalisé une aquarelle vive, qui lui a servi de note. Puis, en atelier, il a organisé son huile, avec la finesse des détails, la transparence des couleurs et le positionnement des personnages qui ancrent le tableau dans la réalité du moment. Guiaud restera fidèle à ce processus jusqu’à la fin de sa vie, comme le montre Église et calvaire de Guimiliau exposé au Salon de 1873, dont on possède également un dessin préparatoire. Dans cette huile, le peintre cherche l’effet, il isole le monument hors de son contexte villageois. Il n’y a plus que l’église et le calvaire au centre de la toile, rendus élégants grâce au ciel nuageux qui s’entrouvre. Séparées par trente-sept ans de carrière, ces deux oeuvres n’en sont pas moins liées par l’exemple qu’elles offrent de la maîtrise de la technique du contre-jour…, séparées aussi par une transformation de la façon de voir. Autant la cathédrale d’Anvers est d’un romantisme alors à la mode dans sa facture, autant l’église de Guimiliau est libre par le sujet hors des sentiers battus, et par la facture du coloriste libéré des contraintes de l’académisme.

    Le dessin préparatoire de L’église et calvaire de Guimiliau exprime le passage de la prise de note sur le vif à la réalisation en atelier d’une oeuvre complexe et forte. Sur le dessin, l’élément principal est le calvaire dont les sculptures sont détaillées, l’église au second plan est comme écrasée. Au contraire, sur la toile peinte, l’église est élancée, magnifiée par la lumière, et le calvaire apporte un élément de mystère.

    La Vue de Villefranche avec l’église Saint-Michel, huile sur toile peinte en 1856, se rattache à cette même inspiration. L’église y est représentée au sommet d’une rude montée en escaliers, se détachant dans sa blancheur sur un ciel d’un bleu intense. Le clocher atteint le sommet de la toile ; comme sur les tableaux précédemment cités, il est très légèrement désaxé sur la gauche. Guiaud a repris cette composition dans de nombreux dessins. Nous pouvons citer entre autres : L’église Saint-Pierre d’Arène à Nice, datée de 1849 ; une aquarelle représentant La façade et le clocher de l’église Saint-Pons à Nice exécutée vers 1850-1855 ; mais aussi la cathédrale de Quimper, aquarelle qui date certainement des années « Taylor ».

    Mais il n’est pas le seul à utiliser ce schéma de représentation. Son ami Adrien Dauzats en est aussi un adepte, pour ses dessins comme pour les lithographies des Voyages pittoresques, et pour ses tableaux à l’huile, tels La cathédrale d’Orléans et la Restauration de la basilique Saint-Denis ; Dauzats ajoute une bonne dose de pittoresque avec des scènes très animées de personnages occupés à leurs travaux quotidiens.

    Aux églises et cathédrales que Guiaud ne représente jamais frontalement, répondent des édifices civils : la Vue d’Innsbruck de 1834, la Vue intérieure de Bruges de 1839, la Grand Place de Bruxelles de 1864.

    La Vue d’Innsbruck est exposée au Salon de 1835, et elle est achetée par l’État. C’est une vue conventionnelle de la place centrale de la ville dominée par une tour qui semble être le beffroi et en arrière-plan par les montagnes. D’entrée, le spectateur saisit la nature du lieu, il devine qu’il est plongé dans un contexte alpin ; de plus, le couronnement à bulbe du beffroi, très en vogue dans les Alpes centrales, le renseigne. Il devine aussi qu’il est au coeur d’une cité marchande dont les maisons sont cossues. En effet, Innsbruck a été un centre marchand très actif grâce à sa situation privilégiée au débouché du col du Brenner et à la vallée de l’Inn qui file vers le centre de l’Autriche. Guiaud peint la Goldenes Dachl au fond de la place, ou loge d’honneur, composée de deux loggias superposées en avancée sur la rue et couvertes d’un toit de cuivre ; cet ornement a été construit en l’honneur de l’empereur Maximilien Ier qui avait fait d’Innsbruck sa capitale entre 1490 et 1519. Sur le côté gauche de la toile s’élève une belle maison de style rococo. Guiaud est allé à l’essentiel, c’est-à-dire à la structure de l’édifice : les lignes verticales et horizontales qui la composent, sans s’attarder sur le décor d’angelots, de guirlandes de stuc, sans faire oeuvre d’archéologue2.

    Avec la Vue intérieure de Bruges, nous avons une vue de ville très animée d’où émerge le beffroi. L’histoire de Bruges, comme celle d’Innsbruck, est liée aux fonctions d’échanges. La ville est striée de canaux facilitant la communication entre les villes marchandes du « plat pays » et la mer.

    La cité médiévale a conservé ses beaux édifices de briques. Son très riche patrimoine témoigne de sa puissance. Guiaud a rappelé cette importance économique et culturelle en rassemblant sur sa toile le symbole de l’économie drapière qu’est le beffroi, et des exemples de belles maisons des marchands drapiers flamands. Ce beffroi s’élève au dessus de la halle aux draps comme un symbole de l’autonomie communale aux mains de la caste des marchands. L’importance « civile » du beffroi est contrebalancée par la statue de Saint-Jean-Népomucène, à laquelle le peintre a donné des dimensions exagérées. Une belle scène de genre se déroule sur le pont enjambant un canal, pont sur lequel veille la statue du saint. Vers 1838-39, lorsque Guiaud plante sa toile devant le pont, l’importance stratégique de l’ouvrage édifié au XVIIe siècle s’est effacée, car le déclin de Bruges s’est amorcé bien avant. Le tableau montre le pont au premier plan comme un endroit où s’installent quelques marchandes ; dans les rues, à l’heure où le soleil se lève, il y a encore peu de monde. Guiaud a saisi la beauté de la lumière du nord qui joue sur les façades de briques.

    Trente ans plus tard, le même ciel changeant voile de brume la Grand Place de Bruxelles. De l’enchevêtrement de la façade jaillit la flèche de la maison municipale édifiée à la fin du XVe siècle. La statue de Saint- Michel, patron de la ville, à peine esquissée, couronne la flèche et va se perdre dans les nuages. Sur son pourtour se dressent les édifices emblématiques des pouvoirs : le pouvoir communal, le pouvoir ducal, celui des corporations. De cet ensemble de monuments, Guiaud a retenu l’Hôtel de ville et son beffroi.

    Ainsi Guiaud a-t-il traité trois exemples de villes du nord de l’Europe, toutes trois des villes marchandes. Il a saisi l’importance des monuments civils au coeur de ces villes au passé prestigieux, mais qui ne sont pas encore touchées par la révolution industrielle. C’est donc une image traditionnelle qui nous est livrée, l’image d’un patrimoine immuable. Nous retrouvons ici un centre d’intérêt majeur du groupe des amis de Guiaud réunis autour de Taylor. Leur vision sera popularisée par des lithographies et va ancrer auprès des amateurs une approche « passéiste » ou provinciale, mais impliquant le paysage urbain dans un processus d’identité régionale.

    Pour autant, Guiaud ne s’est pas borné à reproduire un schéma unique. C’est avec des vues plus amples qu’il prend parfois une respiration. Pour le Salon de 1834, il a ramené d’Italie de quoi réaliser une huile sur toile représentant la Place Saint-Marc à Venise avec la façade de la basilique en arrière plan. Cette huile est différente de sa manière habituelle de représenter les édifices religieux. L’église Saint-Marc est un des monuments les plus reproduits chez les peintres depuis le Grand Tour, tant Venise les fascine. La basilique est bien souvent leur première approche de l’art byzantin. Ses ors, ses mosaïques retiennent leur regard exercé à tenter de traduire le miroitement de la lumière sur ces surfaces brillantes.

    Les Vénitiens eux-mêmes ont été les premiers à « vendre » l’image de leur ville à travers son architecture si singulière, et aux formes byzantines de l’église Saint-Marc, qu’ils ont reproduites comme symbole de la cité des Doges : Carpaccio et Gentile Bellini dès le XVIe en donnent une première image, puis au XVIIIe siècle Canaletto, Guardi ont mis en scène la vie sur la lagune dans le cadre somptueux de la République. Par la suite, tout artiste faisant son Tour en Italie se devait de donner une version de Venise et si possible de Saint-Marc3. Ces vues se caractérisent par la précision géométrique de la perspective.

    Guiaud ne montre pas frontalement la façade de l’église Saint-Marc, mais utilise la perspective en contre-plongée afin de pouvoir montrer l’ensemble de l’église avec ses coupoles byzantines. La façade se présente de biais afin de faire entrer la place et la tour de l’horloge. On a affaire ici à la fois à la représentation d’un monument iconique et à une scène avec personnages au premier plan. Sur la place, une foule se rassemble, des personnages sont au marché, deux hommes enturbannés sont étendus sur un tapis. Il semblerait que Guiaud veuille nous montrer la facette orientale de la ville, en folklorisant la tenue vestimentaire des deux hommes. Une atmosphère paisible plane, personne ne gesticule, personne ne dérange les deux « turcs », ni ne s’étonne de leur présence sous le ciel vaporeux.

    Accaparé par différentes tâches et notamment par la commande de Versailles pour le musée d’Histoire de France, Guiaud diffère la présentation de sa vue de Naples, qui sera exposée au salon de 18374, soit quatre ans après son voyage italien. C’est une petite huile lumineuse où le phare sert de signal au premier plan. L’oeil découvre le panorama de la cité au second plan dans la lumière, le fort Sant’Elmo est perché comme une vigie au sommet de la colline du Vomero sous un ciel nuageux. Guiaud a résisté à la tentation de représenter la baie de Naples avec le Vésuve empanaché de fumée, comme tous les « védutistes » italiens ou anglais l’ont proposé. Sa vision est originale, avec au second plan le Castel dell’Ovo (à gauche), qui défend ou surveille Naples, lourde forteresse d’origine normande remaniée par les Aragonais. C’est un tableau composé, sur le contraste entre les parties sombres et la partie qui capte la lumière, entre le port et ses « défenses » et la ville lumineuse en arrière-plan ; le miroir de la mer au premier plan reflète le ciel clair, le phare massif bouche la vue des bateaux amarrés dans le port, dont on aperçoit seulement la vigie en haut des mâts. Guiaud ruse pour ne pas avoir à peindre des bateaux, exercice pour lequel il ne se sentait pas à l’aise ainsi que nous l’apprend sa correspondance5. Mais il affectionne les vues depuis la mer ainsi qu’on le verra avec la Vue de Villefranche et avec L’église Saint-Michel.

    Au Salon de Bruxelles 1836, Guiaud, avait exposé une Vue de Baden-Baden. Une lettre de Justin Ouvrié à A. Dauzats, datée de juillet 1833, nous apprend : « Je viens d’écrire à M. Taylor, à Bayonne, je lui annonce le départ de Mr et Mme Gué et de Guiaud pour les bords du Rhin, le Tyrol, et le royaume lombard-vénitien ». Cette lettre permet de préciser la date de réalisation du tableau. Les voyageurs se sont donc arrêtés en Forêt noire6, où Guiaud croque la matière nécessaire à son futur tableau : la vue générale d’une localité compacte, serrée au pied d’une colline, cernée par des bosquets d’arbres touffus. Ce tableau, de petites dimensions mais d’un aspect abouti, baigne dans une dominante de teintes ocre rouge et vert sapin, très romantique et restitue parfaitement l’atmosphère de la petite ville balnéaire endormie malgré l’attraction qu’elle exerce sur les aristocraties européennes. Guiaud montre ce qui faisait le charme de ce lieu à la mode, l’environnement de forêts et la fraîcheur.

    Après ces participations prometteuses aux Salons, Guiaud interrompt les vues générales de paysages bâtis, et se tourne vers la représentation de monuments isolés, détachés de leur contexte urbain. C’est de Venise à nouveau que viennent les principales tentatives de ce type de représentations, malheureusement non datées : une aquarelle de La Salute en témoigne, de même qu’une aquarelle d’un sujet moins traité, L’église San Michele in Isola 7. Il s’agit là de l’église du cimetière, éloignée des rives du Grand Canal et de ses foules de travailleurs, de bateliers, d’étrangers, de touristes, de dessinateurs et d’aquarellistes. Pour singulier que soit le sujet, Guiaud ne se détache pas de l’anecdote : trois gondoles noires viennent d’accoster transportant une dépouille mortuaire attendue par des pénitents en robe rouge, tandis qu’un mendiant estropié demande l’aumône.

    On peut avec prudence rattacher à ce type de représentations une aquarelle de Nice8, présentant « en majesté » l’arc de triomphe qui marque l’entrée de la route de Turin, édifié du temps de Victor Amédée ; le monument est isolé, sans décor superflu. C’est la représentation somme toute classique d’une porte de ville comme les portes Saint-Denis et Saint-Martin à Paris, ou encore la porte du Peyrou à Montpellier. Les derniers exemples de monuments isolés dans l’oeuvre de Guiaud nous semblent être les tableaux exécutés en Bretagne des églises de Pleyben et de Guimiliau.


    2 Il s’agit de la maison Helbling. Le Guide vert de l’Autriche indique : « C’est au 18e s. que cette maison a reçu son placage délicieusement rococo. Encadrements de fenêtres et fronton à courbes et accents circonflexes, ont été réalisés avec beaucoup de fougue. Les fenêtres des avant-corps, qui forment un renflement vers la rue, sont une disposition fréquente ici comme dans le sud de l’Allemagne. Elles servent à capter le médiocre ensoleillement des rues étroites des vieilles cités. »

    3 Turner, Ziem, Corot, Ruskin, pour n’en citer que quelques-uns.

    4 Vendu chez Millon et Ass. le 5 décembre 2012. La fiche descriptive indique “Salon de 1837 : n° 915. Vue de Naples prise de la mer, on voit le phare, le château vieux et le fort St Elme.”

    5 Cf. Chapitre correspondance, p. 357.

    6 Tableau vendu chez Sotheby’s le 17 juillet 2002.

    7 Aquarelle/papier signé “J Guiaud”. En salle des ventes chez Christie’s à Londres le 28 juillet 2009.

    Voir infra le chapitre dédié à l’album Delbecchi, du nom de l’éditeur, comprenant 45 aquarelles de Nice par J.-P. Potron, p. 203 et suiv.


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