Cette théâtralisation caractérise un petit nombre d’oeuvres et consiste à représenter un édifice en plus ou moins gros plan, plus ou moins tronqué, comme un décor de théâtre masquant les coulisses. Un dessin de 1842 environ, reproduit la façade d’une église de Colmar, selon ce principe.

Notre second exemple est une ébauche du tableau des obsèques du duc d’Orléans à Notre-Dame de Paris (juillet 1842) que Guiaud ne semble pas avoir achevé. Le procédé sera repris par le peintre à la fin de sa carrière sur deux huiles : L’escalier des Géants à Venise, conservée au musée des beaux-arts de Rennes, et la Porte dite de l’horloge, cathédrale de Strasbourg conservée au musée d’Amiens.

L’Escalier des Géants est une oeuvre ambitieuse par ses dimensions et par sa composition. Le peintre y représente le porche de la chapelle donnant sur la cour du Palais des Doges, avec ses deux arcades superposées ; pour cela, il a pris position selon un angle de vue très particulier compte tenu de l’étroitesse du passage entre l’escalier et le mur auquel il est adossé. Le pavement en losange donne la profondeur nécessaire à cette composition fermée. La façade en perspective est d’une grande virtuosité, elle se creuse de deux arches superposées où joue la lumière, tandis que de nombreux éléments décoratifs accentuent le relief ; ces détails renforcent le réalisme de l’oeuvre. Sur l’arcature haute formant une sorte de balcon, des personnages jouent les spectateurs. L’un d’eux converse avec un homme debout tête levée, sous le balcon. Habilement, l’ombre portée sur le mur dessine la bordure des toits. Ombre et lumière jouent avec les reliefs et jusque sur le sol griffé d’un rayon de soleil. Ce tableau de grand format a fait l’objet d’esquisses préalables, sur le motif, d’où la qualité des détails d’architecture. Nous reproduisons l’une de ces esquisses à l’aquarelle (collection particulière). Cette oeuvre de la fin de la vie de Guiaud est un travail parfaitement maîtrisé, tant en termes de perspective que de couleurs ; il n’y manque pas même l’ouverture vers le ciel pour assurer la respiration.

Le cycle des façades théâtralisées, marquées par la qualité de la perspective, s’achève avec le tableau de la Porte dite de l’horloge, cathédrale de Strasbourg, exposé au Salon de 1876 (hors concours)⁹ et sans doute exécuté dans les mois qui précèdent la disparition de l’artiste. Le ciel est ici réduit à sa plus simple expression, la façade toujours dessinée de biais occupe la quasi totalité de la surface peinte. Le fond se présente sans ouverture. L’escalier du parvis au premier plan suffit à peine à donner de la profondeur à la toile. Le plan rapproché donne au tableau des allures de décor de théâtre. Une étude préparatoire en a été conservée. Le mauvais état de conservation du tableau ne permet pas d’en faire une analyse plus poussée. Nous pouvons simplement ajouter qu’un groupe de prêtres sort de l’office, et converse sur les marches de l’escalier d’accès, sous l’oeil d’un jeune homme assis. Il a même saisi les deux cigognes perchées sur le faîte du toit, ainsi que la jeune alsacienne et son petit garçon en habit traditionnel.

Cette série s’achève avec deux modestes ébauches exécutées lors du voyage en Espagne de 1864. De là, il s’est embarqué pour Majorque, puis il est revenu par Malaga et l’Andalousie. Il a donc eu toutes les opportunités pour remplir ses carnets à dessins et peindre des aquarelles pittoresques de monuments curieux et de personnages « exotiques ». Ainsi esquisse-t-il deux façades d’églises, l’une à Grenade, l’autre probablement à Gérone, l’une comme l’autre restées inachevées.

Dans le premier, nous reconnaissons l’église Santo Domingo de Grenade à ses trois arcs et son porche en retrait dans l’ombre. Comme toujours quelques personnages s’affairent. La composition est toutefois plus frontale que dans les exemples précédents ; il en est de même pour l’église de Gérone, curieux essai, un peu raté, dont la composition frontale reprend la vue précédente.