La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

CHOISISSEZ UN CHAPITRE
  • La campagne près de Levens.

    La campagne près de Levens.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 20,4 x L 13 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.

    La campagne près de Levens

    Les arbres de haute futaie étaient rares dans les alentours de Nice, les bovins aussi. Est-ce la raison de la présence de ce morceau de campagne dans l’album ? Guiaud retrouve ici un motif agro-pastoral cher aux peintres de l’Ancien Régime et que l’on rencontre tout au long du XIXe siècle, comme dans les tableaux de Jules Dupré ou de Camille Bernier dont il est proche. Les heures passées à dessiner l’arbre, à ciseler la feuille, à modeler le rocher ont rendu le peintre sensible aux beautés naturelles et à leur exception locale. D’emblée, le paysagiste en chemin reconnaît le bon coin pour une aquarelle ou un dessin. La trouvaille de feuillus qui lui sont familiers sous d’autres latitudes, comme ces peupliers, ont sans doute donné envie à Guiaud de les représenter sous une autre lumière. De tels feuillages clairs et transparents, de tels troncs élancés l’ont probablement aussi changé des habituels oliviers, même s’il leur a consacré de très belles aquarelles.

    Point d’ancrage classique des premiers plans, l’arbre est mis en majesté. L’ombre généreuse qu’il dispense a favorisé l’installation à son pied d’un abri pour les vaches qui peuvent s’y réfugier en cas de forte chaleur ou d’intempérie. Le troupeau est réduit, la remise également. Nous nous trouvons à distance du village où les bêtes ont leur étable, c’est la belle saison, l’été peut-être, aussi les animaux ont été conduits sur des pâtures éloignées, aux alentours de Levens, semble-t-il. Ses prés et plateaux sont réputés, ce pourrait bien être eux que l’on devine dans l’échappée entre les arbres et ces montagnes escarpées dans les lointains seraient alors le mont Vial et le collet d’Huesti noyés dans les nuages. Ainsi, la promenade remontant la route de Nice à Levens en passant par Saint-Pons et Saint-André trouverait ici sa conclusion logique, mais atypique dans la production iconographique connue.

    Dans le déroulé des vues, cette aquarelle apporte une respiration, un contrepoint doux et bucolique, aux caractères sauvages et rocheux du paysage précédent. Le format vertical convient parfaitement à la composition resserrée sur l’arbre immense et élancé. La présence de troncs coupés et ébranchés au premier plan, face à l’appentis en planches que surmonte le peuplier dont la cime se trouve en dehors de l’oeuvre, rappelle les décors des paysages flamands ou bien des scènes mythologiques en vogue depuis deux siècles. Par son sujet, son traité, ses références, cette aquarelle dépayse le spectateur, attise sa curiosité et renouvelle son intérêt.


    TOUTE REPRODUCTION TOTALE OU PARTIELLE EST INTERDITE.

    Les articles et illustrations de l'ouvrage sont protégés par copyright. Les œuvres représentées sont autorisées uniquement pour l'ouvrage et le présent site internet. Pour toutes questions contacter l'Acadèmia Nissarda.