La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.

    Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 13,9 x L 21,4 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda
  • Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.2

    Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud, 1848.
    H 10 x L 22 cm, signée, localisée et datée b. dr.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.
  • Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.3

    Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 24 x L 36 cm, signée, b. dr.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.

    Nice, vue de la baie des Anges depuis Rauba-Capeù

    C’est le couchant, l’heure exquise pour les peintres. Mais Guiaud sait éviter le lieu commun du crépuscule avec ses ciels incandescents et son soleil rougeoyant. Si l’astre du soir se reflète bien dans la baie, il reste discret derrière un nuage fort bien venu, le ciel se contentant d’un rose parme étale et splendide. Le promontoire de Rauba-Capeù est fameux auprès des amateurs de beaux spectacles naturels. Malgré le vent qui souffle parfois fort et fait s’envoler les chapeaux, les promeneurs sont nombreux. C’est qu’ici le regard porte loin, vers le cap d’Antibes, l’Estérel, le baou de Saint-Jeannet… que l’on aperçoit fondus dans la lumière vespérale. Presque tous les jours, les villégiateurs peuvent bénéficier d’un tel spectacle et ils ne s’en lassent pas, notamment ceux qui viennent de contrées septentrionales, comme les Britanniques chez qui le ciel est ordinairement bas, le brouillard tenace, la vue bouchée.

    Les collines proches de Nice sont déjà plongées dans l’ombre, mauve coupé de violet, des couleurs que l’on retrouve avec la même densité dans les vagues derrière les rochers au premier plan, mais aussi sur toute l’étendue de la baie, très diluées et fondues dans le même rose que le ciel. Ce jeu de répons colorés structure l’oeuvre et l’harmonise avec élégance. Car, malgré la palette des plus limitées, c’est bien la couleur qui régit l’aquarelle ; le dessin, lui, est réduit à peu de choses : la courbe du rivage surmonté par les montagnes, les bâtisses du quai du Midi (des États-Unis) et de la promenade des Anglais ébauchée. Seul le premier plan déporté sur la droite ajoute des aspects documentaires et urbains, très dessinés en ce qui les concerne, à la poésie pittoresque de la vue d’ensemble.

    Calée contre les maisons Rastoin-Brémond et Clerissy à l’angle, la route des Ponchettes n’est pas encore aménagée. Le site est toujours partagé entre l’ancienne batterie de défense militaire64 et l’aire de stockage des grumes. Le site proche du futur Monument aux Morts - érigé en 1924-1927 - sert alors de carrière. Une bonne partie de la jetée et des digues du port ont été construits avec des pierres du Château. Pour stabiliser les travaux et étayer les rochers qui menacent de tomber d’immenses troncs et bastaings sont entreposés tout le long de la route à proximité du chantier.

    Guiaud a exécuté plusieurs versions du panorama maritime saisi depuis Rauba-Capeù ou bien des Ponchettes, soit en dégageant la vue des immeubles sur la droite afin d’ouvrir plus grand le spectacle sur la mer, soit au contraire en se plaçant plus à l’est afin d’inclure au premier plan la base rocailleuse du Château, la totalité des bâtisses et du dépôt de bois. On se rend compte ici de l’étroitesse du chemin taillé dans le rocher ; il ne sera agrandi qu’à la toute fin du siècle. Le point de vue retenu par le peintre est original puisque la plupart de ses collègues préfèrent se placer au fond des Ponchettes ou bien sur la tour Bellanda afin de représenter la baie des Anges. Une quinzaine d’années plus tôt, le chevalier Barberi en avait fait un dessin depuis un angle similaire publié en lithographie sous le titre Vue de Rauba-Capeu, à Nice65. La batterie y est bien présente, en revanche le stock de bois n’était pas encore installé. Les Niçois avaient encore l’habitude d’y jeter à la mer les déchets et les animaux morts. Les usages les plus triviaux côtoyaient souvent le défilé des élégances, un état de fait souvent dénoncé par des articles de presse et des pétitions en mairie.


    64 La batterie des Ponchettes a fait l’objet d’un échange de terrain situé aux abattoirs entre l’État et la municipalité en 1895-1897 (ADAM 02O 0811). Elle a été démolie lors des travaux d’élargissement de la route des Ponchettes vers 1900. 65 Album, ou Souvenir de la ville de Nice (Maritime) et de ses environs par Paul-Émile Barberi. Lithographies de Villain. Nice, Société typographique, 1834.


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