La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • Vieux Nice, la rue Saint-Augustin.

    Vieux Nice, la rue Saint-Augustin.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 20,3 x L 12,5 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda
  • Vieux Nice, la rue Saint-Augustin.2

    Vieux Nice, la rue Saint-Augustin.

    Crayon sur papier de Jacques Guiaud.
    H 13 x L 7,8 cm.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1208-26.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.

    Vieux Nice, la rue Saint-Augustin

    Autre site cher à Raoul Dufy qui en représentera en 1933 la célèbre treille escaladant l’immeuble à gauche - très modifié - dans son tableau Le Mai à Nice61, la rue Saint-Augustin connaît une certaine fortune picturale. Le dégagement offert par l’intersection des rues actuelles de la Providence et François-Zanin, l’étagement de la montée permettent en effet d’ouvrir la perspective et d’éclairer les façades. Emmanuel Costa a représenté le site à plusieurs reprises.

    Le contraste entre les maisons arrondies à droite et les façades planes à gauche permet au peintre de jouer sur les volumes et les éclairages afin d’animer le paysage urbain. Quelques traits au crayon gris assurent la mise en place générale et délimitent les éléments architecturaux. Sinon, c’est la couleur plus ou moins diluée dans l’eau qui construit la vue par des traits fins au pinceau, des aplats à la brosse, des touches virgulées en rajout... L’art de l’aquarelliste est ici particulièrement perceptible dans les jeux d’ombres et de lumière qui animent les volumes et appuient la perspective. La palette est toujours réduite à quelques ocres et terres rehaussés par quelques pointes plus vives de bleus, rouges et marrons correspondant aux linges étendus et aux vêtements portés par les personnages.

    La rue est, en effet, fréquentée. Elle permet de relier rapidement le vieux Nice au quartier du port sans faire le détour par la place Victor (Garibaldi). Un couple de paysans niçois et deux fillettes conversent pendant que deux femmes sont assises sur le perron de l’épicerie à droite. L’une coud pendant que l’autre tient son bébé dans les bras. À l’arrière, une foule gagne la place Saint-Augustin, peut-être se rend-elle à l’office dans l’église Saint-Martin-Saint-Augustin. Cette aquarelle serait en ce cas le pendant populaire de la vue suivante qui représente les personnes de qualité se rendant à la messe de l’église Saint-François-de-Paule. Autant d’images arrêtées de la vie quotidienne évoquées par ces silhouettes prestement exécutées avec une grande économie de moyens.

    Jusqu’à l’annexion à la France de 1860 le vieux Nice était organisé en îlots. La plupart d’entre eux portaient un nom de saint ; un oratoire ou une chapelle l’honoraient. La montée Saint-Augustin délimitait à gauche l’îlot Saint-Augustin et, à droite, l’îlot Saint-Martin. L’église Saint-Martin était l’une des plus anciennes de la ville basse. En 1405, l’évêque de Nice décida de la confier aux pères de Saint-Augustin dont le couvent hors-les-murs avait été détruit, ce qui explique le double vocable. Le vieil édifice gothique fut remplacé par une nouvelle église baroque en 1683-168962. Une modification majeure intervint en 1854 avec l’ouverture de la porte en façade. Précédemment, l’accès à l’église se faisait sur les côtés, à l’ouest pour les fidèles, par le couvent à l’est pour les religieux. Quant à la façade actuelle elle ne fut réalisée qu’en 1895 dans un style néo baroque.

    Le bâtiment, comme une bonne partie du quartier, avait été sérieusement ébranlé par le séisme du 23 février 1887. L’un des deux clochers qui le flanquaient sur son flanc occidental menaçait de tomber. Pour prévenir tout accident, il fut abattu, seul subsista le campanile sud privé de son clocheton hexagonal. Ainsi, grâce à l’exactitude de sa représentation, Jacques Guiaud laisse un nouveau document précieux sur la ville de Nice au milieu du XIXe siècle.


    61 Nice, musée des beaux-arts, n° inv. M 8073. L’ancienne auberge dénommée « la Treille » abrita les réunions de défenseurs des traditions et de la langue niçoises. En 1925, Jouan Nicola y fonda la Ciamada Nissarda. Les planches dressées sur la façade dans l’aquarelle de Guiaud indiquent qu’une menuiserie devait s’y trouver.

    62 Luc Thevenon, Du Château vers le Paillon, le développement urbain de Nice de la fin de l’Antiquité à l’Empire. Nice, éditions Serre, 1999, p. 180-181 ; Dominique Foussard, Georges Barbier, Baroque niçois et monégasque. Paris, Picard, 1988, p. 136-142.


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