La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • Vieux Nice, le marché place Sainte-Réparate.

    Vieux Nice, le marché place Sainte-Réparate.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 12,7 x L 20,7 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Repr. © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.
  • Vieux Nice, le marché place Sainte-Réparate.2

    Vieux Nice, le marché place Sainte-Réparate.

    Crayon sur papier de Jacques Guiaud.
    H 11,6 x L 18 cm.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1208-18.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Santa-Reparata.

    Santa-Reparata.

    Gravure d’après un dessin de Jacques Guiaud.
    H 11,5 x L 12,8 cm.
    extraite de L'Illustration, 31 mai 1856, p. 364.
    Collection particulière.
    Repr. © J.-P .Potron/Acadèmia Nissarda.

    Vieux Nice, le marché place Sainte-Réparate

    Autre vue fort originale que ce marché de la place Sainte-Réparate, actuelle place Rossetti. Elle correspond à la partie se situant tout au fond de l’aquarelle précédente. Souvent, dans un album de paysages pittoresques, il suffit au peintre de se déplacer de quelques mètres pour découvrir un autre point de vue, corrélatif du précédent, l’un éclairant l’autre. Le peintre s’est installé dans l’angle sud-est, au débouché de la rue Centrale. La place était plus petite que celle que nous connaissons aujourd’hui, comme en atteste la présence du grand mur aveugle à droite. Depuis les années 1820 sont menés d’importants travaux d’agrandissement de la place et d’ouverture de la rue montant vers le Château, jusque-là couverte, étroite et obscure, grâce au legs du propriétaire niçois Charles Rossetti de Châteauneuf.

    L’endroit est stratégique. Légèrement surélevé, il permet d’avoir une vue d’ensemble sur la cathédrale Sainte-Réparate flanquée de son clocher latéral, tout en embrassant une bonne partie du marché et des commerces avoisinants. Placé complètement à gauche, le dessinateur doit structurer un paysage urbain construit uniquement sur des diagonales. Aucun bâtiment n’est appréhendé ici de manière frontale, aussi, la scène gagne-t-elle en profondeur et en dynamisme.

    Les maisons situées sur la droite et à la gauche ne sont qu’esquissées afin que le regard converge directement vers les motifs centraux du marché et de la cathédrale, les sujets de l’aquarelle. Elles jouent en quelque sorte le rôle des rideaux au théâtre, isolant la scène du reste de la salle. Le décor baroque de la façade est mis en pleine lumière par un franc soleil matinal alors que les personnages dans leurs costumes jouent leurs rôles de la scène du marché : bénédictins tonsurés, notables en tricorne ou haut de forme, paysan au bonnet phrygien, paysanne en capeline… Les velums rapiécés rajoutent encore à la véracité du décor, tout comme les fruits et légumes proposés à la vente dans l’ombre prodiguée par les voilages.

    La place Sainte-Réparate était un haut lieu du théâtre niçois quotidien avec ses échanges, invectives, histoires, joies et drames. Là, le petit peuple côtoyait édiles, clercs et ecclésiastiques. Voilà ce que nous dit d’abord Guiaud dans cette aquarelle « bavarde ». Pour ceux qui préfèrent s’attacher au décor, ils ne pourront qu’apprécier le professionnalisme de l’accessoiriste. Bien intéressant apparaît l’étal du quincaillier qui fait immédiatement face au peintre : son accumulation de produits manufacturés, jarres en terre cuite, tamis, casseroles étamées, cruches, seaux… en font un document historique de première importance. Relevons encore au-dessus de la corniche d’angle la plaque indicative de l’îlot Sainte-Radegonde dont on peut lire les premières lettres48. De même, bien qu’elle soit écrasée de lumière, la façade de la cathédrale montre alors un unique enduit monochrome blanc crème, alors que le clocher arbore une teinte bien plus foncée.

    La rédaction de L’Illustration, le célèbre « journal universel » comme il se nomme lui-même, ne s’est pas trompée lorsqu’elle sollicite Jacques Guiaud en 1856 pour présenter le pays niçois à ses lecteurs : une gravure réalisée à partir de cette aquarelle du marché de Sainte- Réparate y figure dans son numéro du 31 mai.


    48 Jusqu’à l’annexion à la France en 1860, le vieux Nice resta fidèle à son découpage en îlots. Chaque pâté de maisons était mis sous la protection d’un saint patron. Deux appellations sont restées : îlot des Serruriers et îlot Saint-François.


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