La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • Nice, le vallon Magnan.

    Nice, le vallon Magnan.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 20,3 x L 14,3 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.
  • La cueillette des olives à Magnan.

    La cueillette des olives à Magnan.

    Technique mixte, crayon et craie blanche sur papier chamois par Jacques Guiaud, 1849.
    Tondo, H 30,7 x L 23,4 cm, signée et datée b. dr.
    Nice, musée Masséna, n° inv MAH-1208-53.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.

    Nice, le vallon Magnan

    Voici une nouvelle vue originale, de format vertical, qui nous ramène vers le front de mer, avec cette aquarelle d’un vallon niçois, vraisemblablement celui de Magnan. L’urbanisation empêche désormais de localiser avec précision le point de vue où s’est placé le peintre, peutêtre sur le chemin escaladant les hauteurs ouest de Saint-Philippe. La colline qui leur fait face et à laquelle sont accrochées quelques maisons pourrait bien être La Bornala inférieure et la pente prononcée correspondrait alors à l’actuelle rue Aymé-Martin, toujours bien raide. Le groupe de bâtisses en bord de mer appartiendrait au hameau de Sainte- Hélène. Quant aux deux avancées dans la mer, on peut y voir la pointe de Carras et le cap d’Antibes dominé par la chapelle de La Garoupe.

    Ce n’est pas là une reconstruction romantique née de l’esprit imaginatif de l’artiste, car le site a bel et bien existé ainsi. Une dessinatrice amateure écossaise que Jacques Guiaud n’a probablement jamais rencontrée et dont il n’a pas vu les paysages, miss Scott of Harden78, a fait imprimer à Édimbourg un album de lithographies de sites niçois pittoresques et originaux. On y découvre exactement la même vue, captée du même endroit, Coast of France. Fort of Antibes from above the valley of Magnan, near Nice79.

    En treize années passées à Nice, Guiaud a eu le temps de sortir des sentiers battus et de trouver des paysages moins rabâchés. Ici, le peintre nous gratifie d’un magnifique morceau de nature, pour ainsi dire un paysage idyllique niçois. Pour la plupart des étrangers, les Rivieras française et italienne étaient alors connues pour leurs paysages romantiques de montagnes tombant directement dans la mer. Guiaud profite de l’important dénivelé à proximité de la baie des Anges pour camper une scène au relief accidenté, dramatisée par un ciel travaillé. Les bancs de nuages rougeoyant dans le couchant permettent de porter de puissantes ombres, rendues par un magnifique camaïeu de mauves et de violets, et de répartir des rais de lumière sur les aspérités et les contours. De Constable à Paul Huet, de multiples paysages européens illustrent alors les crépuscules et sont exposés sur les cimaises des salons de peinture.

    Le paysage s’organise classiquement avec la mise en scène des deux arbres répartis de part et d’autre du chemin creux central, comme le font les rideaux de scène ouverts au théâtre. Non seulement Jacques Guiaud suit la règle académique de la disposition harmonieuse de l’arbre dans le tableau, mais il retrouve la mise en place traditionnelle des premiers plans montrant le retour des troupeaux chez les maîtres flamands de l’âge d’or, chez Nicolas Poussin ou Salvatore Rosa, etc. qu’il a pu copier à partir de gravures lors de ses années de formation. À Nice, comme sur tout le pourtour méditerranéen, la présence quotidienne des paysans parcourant les sentiers pour se rendre aux marchés ou rejoindre leurs champs en fait un thème pittoresque permettant d’animer la plupart des représentations dessinées, gravées et photographiées.

    La part belle est faite à un magnifique olivier, l’arbre roi du pays niçois, qui occupe tout le côté gauche de la composition. Sa place s’avère encore plus importante dans une autre version de ce vallon Magnan au crayon gris sur papier chamois avec rehauts de couleurs80. Plus dessinée, plus précise, elle conserve l’essentiel du paysage, mais en transforme le premier plan. Au lieu du paysan encourageant sa compagne assise à reprendre l’ascension de la côte, les deux personnages sont occupés, l’un à trier les olives dans le drap étendu au sol, l’autre à gauler les fruits assis sur une haute branche de l’immense olivier.

     

    78 Très ancienne famille écossaise qui compte le fameux écrivain Walter Scott. Miss Scott of Harden est probablement Anne Scott, mariée à Charles Bailie, Lord Jerviswoode (renseignements aimablement communiqués par Judit Kiraly).

    79 Voir Voyage pittoresque…, 2005, ouvrage cité, p. 322.

    80 Nice, musée Masséna, n° inv. 1208-53.


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