La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • Vue de Villefranche.

    Vue de Villefranche.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 13 x L 20,5 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda
  • Villefranche.

    Villefranche.

    Lithographie de Jacques Guiaud,
    H 13,2 x L 21 cm.
    Extraite de Nice, vues et costumes.
    Delbecchi, Nice, 1861.
    Nice, bibliothèque de Cessole, 30-6.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Villa Franca.

    Villa Franca.

    Crayon sur papier de Jacques Guiaud, 1848.
    H 10,3 x L 17,5 cm, localisé et daté b. dr.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1208-43.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.
  • Villefranche depuis le petit môle.

    Villefranche depuis le petit môle.

    Technique mixte, crayon, aquarelle et
    craie blanche par Jacques Guiaud.
    H 21 x L 38,3, localisée b. g.
    Nice, musée Masséna, n° inv. MAH-1191.
    Repr. © J.-P. Potron/Ville de Nice.

    Vue de Villefranche

    Au nombre des distractions favorites chez les hivernants, la promenade de Nice à Villefranche tient une place de choix. D’innombrables récits et dessins d’amateurs corroborent les louanges que les guides de voyage font de ce port niché au fond d’une rade. La grande majorité des peintres de passage ont été séduits par Villefranche et ses environs. Jacques Guiaud fait partie de ses meilleurs interprètes, il en a laissé de multiples vues appréhendées sous la plupart des angles possible et au moyen de nombreux mediums disponibles, au crayon, à l’encre, à l’aquarelle, à la peinture, en lithographie. Nous connaissons moins d’une dizaine de tableaux de Guiaud sur la Riviera, or quatre d’entre eux sont consacrés à Villefranche, dont l’admirable toile - très vénitienne d’inspiration - de la montée Saint-Michel conservée au musée de Carcassonne160.

    Cette vue rapprochée de Villefranche qui est réalisée depuis le môle de la douane a fait l’objet de très nombreux dessins et photographies qui insistent sur son aspect de théâtre maritime. La ville à fleur d’eau qui permet des jeux de reflets, l’enchevêtrement des constructions, l’architecture baroque, l’usure des façades, la tonalité des enduits rappellent évidemment Venise et plusieurs artistes jouent sur ce rapprochement comme Hercule Trachel et Charles Nègre.

    Mais l’interprétation qu’en donne Guiaud n’est pas commune ; en outre, le contraste qu’elle offre avec l’aquarelle précédente est saisissant. Le peintre nous propose l’image d’un port de Villefranche minéral, dénué de toute végétation, brûlé par la lumière crue du mitan de la journée. Aucun nuage, aucun portique, aucun artifice ne viennent atténuer un éclairage aveuglant. Seuls, les murs ouest et les arcades ménagent quelques zones ombreuses. On retrouve les coloris utilisés pour les bâtisses et les rochers dans le rendu des montagnes qui dominent la ville à peine rehaussée de quelques touches de vert et de mauve : nous avons ici une excellente illustration du précepte esthétique selon lequel plus on représente un objet éloigné, plus il perd forme, couleur et contraste. Les bons peintres jouent de cette illusion optique pour suggérer la profondeur. La réussite est d’autant plus grande que J. Guiaud recourt ici à une palette très réduite, composée uniquement de couleurs chaudes, permettant de resserrer la perspective urbaine sur la frange littorale. Ici, le peintre nous fait accroire que c’est la lumière qui imprègne la matière ; par son travail accompli sur la désaturation de la couleur, il compose un paysage fantomatique, voisin techniquement des vues noyées dans la brume dans des contextes montagnards et septentrionaux.

    Pour la lithographie du même site, Guiaud adopte un parti plus classique et plus harmonieux en élargissant le panorama qui inclut le môle au premier plan, en contrastant l’image grâce à la présence de nuages diffus qui embrument le sommet du mont Leuze : une composition moins « extrémiste » que l’aquarelle, plus conforme au goût « mondialisé » des gravures...


    160 Voir supra, page 151.


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