La ville à la campagne, la campagne dans la ville,
l’album aquarellé de Nice et ses environs.

Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.

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  • La Croix franciscaine de Cimiez.

    La Croix franciscaine de Cimiez.

    Aquarelle sur papier de Jacques Guiaud.
    H 20,6 x L 14,5 cm.
    Extraite de l’Album aquarellé de Nice et ses environs.
    Nice, collection particulière.
    Photo © Michel Graniou/Acadèmia Nissarda.
  • La Croix franciscaine de Cimiez.2

    La Croix franciscaine de Cimiez.

    Cliché de Louis Crette, 1856.
    Tirage positif sur papier salé,
    H 25,5 x L 20,5 cm.
    Nice, collection Didier Gayraud.
    Repr. © J.-P.Potron/Acadèmia Nissarda.

    La Croix franciscaine de Cimiez

    Nouvelle vue verticale avec la Croix franciscaine de Cimiez et, de nouveau, un monument encadré de verdure. Le sujet est classique, c’est un incontournable du séjour niçois, aussi le rencontrons-nous très souvent décrit, dessiné et photographié, soit dans l’ensemble de la place du monastère de Cimiez (thème de l’aquarelle suivante), soit en gros plan comme c’est le cas ici. Le site est alors beaucoup plus enclavé que celui que nous connaissons aujourd’hui. À droite s’élèvent les murs du cimetière alors que, sur la gauche, s’allonge l’enceinte du domaine Garin de Cocconato où se trouvent les ruines romaines de Cemenelum, alors propriété privée136. Néanmoins, en se décalant sur la gauche au lieu de rester dans l’axe comme le font la plupart des artistes, Guiaud ménage une échappée sur l’oliveraie et, au-delà, sur la chaîne de collines du mont Chauve partiellement dissimulée par les nuages.

    L’angle choisi permet aussi d’éviter la représentation frontale de la Croix. Le léger oblique et l’ombre portée des arbres lui donnent bien plus de relief qu’une vue de face en plein soleil qui aurait annihilé les détails de la pierre blanche.

    Ce calvaire en marbre est composé d’une croix tréflée gothique posée sur une colonne torse. La face sud de la croix porte en son centre un séraphin (un ange portant six ailes) crucifié aux traits christiques. Il rappelle l’extase au cours de laquelle François d’Assise reçut les stigmates d’un séraphin crucifié sur le mont Alverne. Cet épisode de la vie du saint est fondateur pour l’ordre des frères mineurs qui est parfois appelé l’ordre séraphique. Dans le bras de droite est sculptée une représentation de saint François et dans celui de gauche prend place une image de saint Louis d’Anjou (1274-1297), un saint franciscain natif de Brignoles, très populaire en Provence. La croix est surmontée du pélican nourrissant ses petits de sa chair, image symbolique de la charité chrétienne. C’est un monument cher au coeur des Niçois à la fois pour les valeurs religieuses et historiques qu’il représente.

    Notre-Dame de Cimiez était anciennement une dépendance des Bénédictins de Saint-Pons. En 1546, ils cédèrent leurs terrains de Cimiez et la chapelle aux Franciscains dont le couvent, situé dans la vieille ville, avait été saccagé lors du siège de Nice par les envahisseurs francoturcs trois ans plus tôt. Le calvaire en marbre sculpté en 1477 se trouvait initialement dans le cimetière des moines franciscains qui fut détruit sous l’Empire pour ouvrir la place Saint-François. Endommagée pendant l’occupation révolutionnaire, la Croix séraphique est mise en lieu sûr chez un particulier avant d’être installée sur la place de Cimiez le 13 juillet 1804137.

    La rangée des hauts chênes verts alignés sur la place prodigue une ombre bienfaisante. Ils offrent de surcroît un magnifique écrin au monument dont ils atténuent la rigidité par la fluidité de leurs branches élancées. Un moine franciscain tend une gourde au pèlerin épuisé qui récupère au pied d’un des arbres. Comme c’est souvent le cas dans un paysage des XVIIIe et XIXe siècles, les personnages donnent l’échelle, animent la scène et en donnent la clé : le monastère de Cimiez se trouvait en effet sur un chemin de pèlerinage, l’ancienne via Julia Augusta des Romains, qui reliait dans les parages l’abbaye de Saint-Pons et le couvent de Laghet.


    136 Elle devient propriété de la ville de Nice en 1923.

    137 Classée Monument historique le 26 septembre 1903. Vandalisée en 1979, elle est restaurée et installée dans l’église, une copie la remplace sur la place Jean-Paul II.


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