Par Jean-Paul POTRON
Conservateur de la bibliothèque Victor de Cessole, Nice
Rédacteur en chef de la revue Nice Historique.
Les lieux de pèlerinage ponctuent l’album. La pointe de Saint-Hospice qui prolonge vers l’est le cap Ferrat faisait partie des sites régionaux réputés. Le culte de saint Hospice était important chez les pêcheurs qui l’imploraient contre les tempêtes et les pirates. Sa fête rassemblait de nombreux fidèles venus du littoral situé entre Villefranche et Menton.
Selon la tradition chrétienne, principalement connue par l’Historia Francorum de Grégoire de Tours, l’anachorète Hospitium vécut au VIe siècle dans une tour en ruines, non loin de Nice, où il faisait pénitence pour racheter ses contemporains dissolus et adorer Dieu. Pour avoir converti les envahisseurs lombards au christianisme et réussi quelques guérisons miraculeuses, il fut canonisé après sa mort en 581 et sa fête fut instituée par le martyrologe romain le 21 mai. Son culte se répandit dans le comté de Nice, en Provence et en Italie du Nord. La mention la plus ancienne d’une église Saint-Hospice date de 1075 et figure dans le chartrier de Saint-Pons ; elle aurait été construite à l’emplacement même de la tour où avait vécu l’ermite.
En 1615, la chapelle se trouvait au centre d’un fort construit par Charles-Emmanuel Ier de Savoie pour s’opposer aux pillages perpétrés par les pirates barbaresques et protéger l’entrée de la rade de Villefranche. Son petit-fils, Charles-Emmanuel II de Savoie, ordonna en 1655 à Balthazar Simeone, gouverneur du fort, de reconstruire la chapelle dans les volumes que l’on connaît aujourd’hui161. Si le fort Saint-Hospice qui protégeait l’entrée de la rade de Villefranche fut détruit en 1706 sur ordre de Louis XIV, la chapelle fut épargnée. Les dommages qu’elle subit pendant la période révolutionnaire furent réparés sous l’Empire et la chapelle fut rendue au culte en 1801. Le roi très pieux Charles- Félix lui adjoignit le portique d’entrée au nord en 1826.
Afin de surveiller les mouvements maritimes, une tour massive fut édifiée au milieu du XVIIIe siècle avec les pierres de l’ancien fort. La tour de Saint-Hospice comprenait un rez-de-chaussée servant de corps de garde et de cuisine pour la garnison, deux étages pour son logement ; elle pouvait accueillir une quarantaine d’hommes162.
La vue de Guiaud est conventionnelle, elle est prise du chemin qui mène au site sur fond maritime. La carte postale diffusera largement cet angle. En revanche, les paysagistes du XIXe siècle n’ont pas été prolixes à cet endroit à l’exception d’Alexis Mossa. C’est par la variété de ses touches, du frotté sec pour le rocher à la couleur très diluée pour les eaux et les ciels, du trait fin et droit pour les moellons de la tour aux virgules pour l’herbe que l’art d’aquarelliste de Guiaud transfigure l’endroit. La lumière du milieu d’après-midi adoucit les contrastes et préserve les coloris. Au travail sur les matières et les camaïeux d’ocresbruns pour arrondir la tour s’opposent les aplats des enduits uniformes de la chapelle, le blanc étant celui du papier en réserve. Soulignons enfin l’attention portée par le peintre à animer un lieu alors bien éloigné de la solitude initiale de l’ermitage : trois gamins s’amusent à l’ombre de la tour pendant que leurs mères conversent sur le chemin, deux personnes sont assises près de l’entrée de la chapelle, enfin un touriste avec canne et chapeau évalue les parages avant de s’y engager.
161 La chapelle est inscrite au titre des Monuments historiques par arrêté du 13 mai 1929. Le site de la chapelle est inscrit lui aussi, en mai 1932, puis classé en juin suivant.
162 La tour a été classée au titre des Monuments historiques le 27 août 1931.
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